La dernière période de vie de Ravier s’écoule à Morestel entre 1867 et 1895. Maturité de la cinquantaine. Il devient enragé de peinture. Ravier se repait des joies simples de la nature qui le conduit dans les paysages qu’il aime, dans son Dauphiné, son bourg de Morestel, le lavoir, les gorges, les rochers, la plaine bordée d’horizons montagneux. Des centaines de croquis, ébauches à l’huile ou esquisses à l’aquarelle s’entassent dans ses cartables, car Ravier fait tout à la fois. Le dessin toujours soigné dans sa jeunesse est parfois presque absent dans ces années-là, tant les motifs sont imprimés sur sa rétine. Les croquis ou annotations rapides ne servent que de mémento pour le travail à accomplir le soir. Les couleurs froides de la période de Crémieu laissent place à une palette chaude, luxuriante et lumineuse. Ravier, trouve près de chez lui ses motifs de prédilection. Peintre de la lumière il choisit avec soin le moment où la nature est infiniment plus belle, à l’aube et au soir. Le vert du printemps trop uniforme l’ennuie terriblement, il lui préfère les nuances subtiles de l’automne. Si les arbres dépourvus de feuilles structurent l’image, l’eau des rivières, des mares et des étangs lui permettent de jouer subtilement avec les reflets, mais c’est le ciel qui enivre réellement Ravier. « Tout est dans le ciel », c’est là-haut, dans les nuages, que tout se joue…

« il y avait école autour de 1860, l’école de Crémieu ainsi nommée non sans une certaine pointe d’ironie par les artistes en faveur auprès du public : les grands favoris étaient alors Ponthus-Cinier, Fonville, Guy, Allemand. Ravier en était reconnu le chef et autour de lui se groupaient les artistes épris de la nature, allant l’étudier à Crémieu et dans ses environs. Grâce à lui, leur vision devint plus intime, plus émue. Carrand, Vernay, Chevallier, Potter, Lepagnez, Appian, Fontanesi, Trévoux, et combien d’autres, furent de cette École et subirent largement l’influence de Ravier et recherchèrent ses conseils. Deux de nos maîtres incontestés du paysage moderne, Corot et Daubigny furent des amis de Ravier et ce fut beaucoup grâce à lui qu’ils devinrent ce qu’ils furent »

Extrait tiré de l’autobiographie de Ravier à la demande de Félix Thiollier, 1879. Original autographe, collection et transcription CBT.