Historiquement, il est prouvé que Ravier regrettait de ne pas avoir suffisamment apprit le dessin et s’en aperçoit quand il multiplie les études lors de son premier séjour de trois ans à Rome.
Le dessin de Ravier, précis, topographique, est presque photographique. C’est particulièrement frappant dans les dessins reproduits dans les publications de Thiollier du vivant de l’artiste en 1888. Les dessins de Ravier héliogravés, réduits aux tons de noirs et blancs évoquent immédiatement la technique photographique. Ainsi par exemple lorsque l’on regarde la photographie du dessin des « Grottes de la Cervare » près de Rome on pourrait penser qu’il s’agit d’une vue authentique du lieu.
Formidablement doué pour scruter instinctivement le bon angle en peinture, il le doit peut-être au maniement de l’appareil photographique. Hors de toute considération technique, cet exercice exige de lui un œil exercé et un cadrage rigoureux. Par contre nous pouvons affirmer qu’il n’a jamais utilisé la photographie pour caler un dessin sur du papier ou de la toile. En regardant de plus près une aquarelle, nous voyons toujours sous-jacent un trait de crayon extrêmement fin, qui existe et qui vit sous le pigment.
En arpenteur inlassable de la campagne, à Rome, Crémieu ou Morestel, Ravier fait acte de création avant même de s’asseoir, car sa pensée visuelle constamment en alerte reconnaît le tableau offert par la nature avant qu’il ne soit exécuté. Il ne lui reste plus qu’à atteindre la vérité objective, l’exactitude entre vision et rendu.
Le geste prolonge la préfiguration mentale par l’expérimentation : imaginaire, contemplation et passion de la vérité esthétique se confondent ; il réalise une première capture de son sujet rapidement jeté sur le carnet de croquis, parfois annoté pour bien fixer les éléments de sa vision et les conditions qui l’ont fait éclore. Ainsi les visions intérieures ne prendront pas le pas sur le rendu du réel au service duquel il s’astreint, il pourra ainsi obtenir l’adéquation recherchée au moment de la réalisation du tableau.
Nous avons retrouvé quelques carnets de dessins de l’époque des premières années à Crémieu, soit entre 1848 et 1855, dont les pages saisies dans tous les sens révèlent un artiste pressé de crayonner, sans hésiter et qui déjà met en place soit un arrondi en haut du motif comme une voûte, soit un ovale crayonné rapidement et plusieurs fois.
Très tôt, Ravier aime recadrer ses pochades dans un ovale tracé à main levée. Là encore il est le trait de crayon sous-jacent et ne cherche pas à le supprimer. Si nous n’avons pas d’explication logique à cet engouement, qu’il pratique depuis le début, nous pourrions penser à deux hypothèses : l’objectif en photographie de forme circulaire, et peut-être l’héritage très esthétique des petites peintures et miniatures du XVIIIe siècle relevant de l’intimité du regardeur. Dès sa jeunesse Ravier n’est à l’aise que dans les petits formats, et cela se vérifiera tout au long de sa carrière d’artiste. » Je n’ai jamais fait de grandes œuvres, je ne sais pas si j’en ferai » dira-t-il à 60 ans. C’est comme s’il avait la prémonition que son œuvre serait dominée par le petit format, dans l’esprit de sa collection intime et privée. L’ovale est un peu sa signature.
Ravier n’a exécuté que peu de gravures dans sa carrière d’artiste dessinateur. Aucun écrit sur cette technique ne subsiste ni n’éclaire le chercheur.
Très adroit, Ravier n’a pourtant pas exploré durablement ce medium. Cela peut sans doute s’expliquer par sa spontanéité devant le papier, l’immédiateté du regard l’empêchant de revenir sur un travail exécuté sur le motif. Retravailler à l’atelier les lignes d’un dessin spontané ne correspond pas au caractère vif et tendre de Ravier.
De plus, la gravure reste très contraignante, alors même que la technique de gravure nécessite un matériel spécifique important, et un lieu approprié avec une presse que Ravier ne possédait pas. S’il s’est exercé en amateur à cette technique, c’est cette certainement chez des amis équipés pour la gravure des plaques de cuivre ou de zinc et le tirage des gravures. Paul Borel ? Hector Allemand ? Félix Thiollier ?
Nous n’avons retrouvé que quelques exemples des gravures de Ravier, dont 3 vous sont présentées ici.