Appelez-moi Ger !

« Appelez-moi Ger ! »

Ger Luijten (1956-2022) : C’était toujours un plaisir de se rendre dans les murs de cette belle Fondation et d’y rencontrer un homme tel que Ger Luijten.  Nous avions rendez-vous vendredi 9 décembre 2022 à l’Hôtel de Turgot qui abrite la Fondation Custodia au 121 Rue de Lille, avec Ger Luijten, directeur charismatique, passionné et passionnant ; nous passons 3 heures ensemble, nous déjeunons, conversons, rions, évoquons, projetons, feuilletons, visitons et examinons …puis, lorsque nous nous séparons, il nous offre deux bouteilles de vin de Saumur d’un de ses amis viticulteur.

Stupeur C’est avec une immense tristesse que, pile dix jours plus tard, le 19 décembre 2022, nous apprenions la nouvelle de sa mort brutale aux Pays-Bas…la France, et nous tous, avons perdu un ami, car Ger était fondamentalement un homme « aimable », avenant, délicat, généreux, brillant. Sa personnalité n’avait d’égale que son érudition enthousiaste. Il l’avait montrée devant les carnets de dessins d’un petit maître paysagiste du XIXe nommé François-Auguste Ravier (1814-1895) dont il avait saisi en connaisseur l’importance pour l’histoire de l’art[1]… À toute l’équipe de la Fondation Custodia nous adressions nos plus vives et sincères condoléances, ainsi qu’à sa famille, son épouse et ses enfants, notre émotion spontanée et cordiale.

Christine Boyer

https://www.fondationcustodia.fr/Disparition-de-Ger-Luijten

Hommage Trois mois plus tard, un double hommage national lui est rendu, à Amsterdam le 4 mars, avec les hommages des conservateurs du Rijksmuseum, des journalistes d’art internationaux, des professeurs d’université (Utrecht, Berlin, Amsterdam), d’Edgar du Perron (Président du Conseil Fondation Custodia), et le néerlandais Hans Buijs, ami de Ger et actuel directeur de la fondation à Paris. (https://webcolleges.uva.nl/Mediasite/Play/32315b0bf8e546e8ba8dd29f648300071d ).

Le tout Paris  Puis à Paris le 26 mars 2023. Cette cérémonie à la Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, Paris 7e restera un moment inoubliable… par la qualité des intervenants, leurs fonctions, leurs hommages unanimes à la gentillesse et à l’érudition  de Ger Luijten, entrecoupés de morceaux de musique de Bach, Haendel, Halvorsen ou Kodaly interprétés par deux jeunes virtuoses, Victor Julien-Laferrière au violoncelle et Alexandre Pascal au violon.

Parmi les orateurs, nous avons apprécié Carel van Tuyll van Serooskerken, directeur émérite du Cabinet des arts graphiques du Louvre et membre du Conseil de la Fondation Custodia ; puis Peter Hecht, professeur à l’université d’Utrecht ; Jane Munro, conservateur en chef du Fritzwilliam Museum de Cambridge, le très célèbre expert et marchand d’art Bob Haboldt qui a brossé un portrait très vivant de Ger ainsi que l’hommage très pétillant et apprécié de Christophe Leribault, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie. Nous y avons croisé tout le monde de l’art, dans la dignité, l’intensité, et la distinction en l’honneur d’un grand homme et d’un grand directeur qui a marqué et marquera les esprits pour longtemps. Son épouse, enfin, a eu le courage de lire avec tenue un beau poème de @Philip Larkin que Ger affectionnait : « The Trees ».

Avec  tous ceux qui l’ont connu, nous nous joignons à l’unanime hommage qui confine au respect et à la vénération de cet homme d’exception. Christine Boyer Thiollier, 30 mars 2023

The Trees (1974)                                               

The trees are coming into leaf
Like something almost being said:
The recent buds relax and spread,
Their greenness is a kind of grief.

Is it that they are born again
And we grow old? No, they die too.
Their yearly trick of looking new
Is written down in rings of grain.

Yet still the unresting castles thresh
In fullgrown thickness every May.
Last year is dead, they seem to say,
Begin afresh, afresh, afresh.

 

Les Arbres (1974)

Les arbres deviennent des feuilles
Comme si quelque chose était presque dit ;
Les bourgeons récents se détendent et s’étalent,
Leur verdeur est une sorte de chagrin.

Est-ce qu’ils renaissent
Et que nous vieillissons ? Non, ils meurent aussi,
Leur astuce annuelle pour avoir l’air neuf
Est écrite dans des anneaux de grain.

Pourtant, les châteaux incessants battent toujours
En pleine épaisseur chaque mois de mai.
L’année dernière est morte, semblent-ils dire,
Recommencez, recommencez, recommencez.

FIN

[1] Notez qu’il avait choisi une étonnante aquarelle de François-Auguste Ravier  pour la couverture du catalogue et les affiches de la dernière Exposition de Dessins français du XIXe qui vient de s’achever.