Celui qui regarde un tableau se demande peut-être s’il voit bien ce que le peintre a voulu exprimer avec la peinture contemporaine et comment bien la lire. Avec la peinture figurative personne ne se demande comment l’interpréter… La peinture de François-Auguste Ravier exécutée toujours vivement et véritablement inspirée, avec art, virtuosité, parfois trucage, incite le spectateur à s’emparer de son étude. La lecture de l’œuvre devient alors une expérience objective, par le contact intime, la collaboration avec le dessin, la couleur, le rendu et le fini. Par l’interprétation subjective remplie de patiente concentration, le regardeur se laisse alors envahir par sa passion, et au-delà de la peinture, laisse flotter son attention. Mais avec la peinture de Ravier il n’y a rien à réinventer car il nous emmène d’emblée dans son univers.
Mon site se présente d’abord comme un manuel pour apprendre à regarder François-Auguste Ravier, l’homme et l’artiste. Face à une œuvre, tout le monde – ou presque – se demande s’il ne l’a pas déjà vue, si elle lui rappelle quelque souvenir, ou s’il la comprend. Peu de gens se demandent comment et où le peintre l’a fait, ni à quel âge, ni dans quelles circonstances de vie. Mon but est de satisfaire à la fois le curieux tout comme le professionnel de l’art. Même si le site est déjà bien fourni, je ne peux pas aller au fond de tous les sujets, et je le regrette ; par contre je propose un contact pour communiquer avec ceux qui le souhaitent.
Ravier, bien que solitaire, a côtoyé et connu énormément de peintres ou d’artistes durant sa longue vie qui balaye presque tout le XIXe siècle. Sa biographie ne va pas changer le cours de l’histoire de l’art, par contre, ses amitiés artistiques et ses échanges épistolaires nous enseignent beaucoup de choses. Cet homme raffiné et cultivé, sous des dehors de paysan, a atteint parfois les sommets d’éternité dans son œuvre, avec hauteur, lucidité, et avant tout sincérité. La puissance de son regard transforme n’importe quel lieu banal et familier en apothéose. Ce qui en fait sa spécificité c’est qu’il n’a pas le champ de vision d’un peintre officiel. Il a toujours conservé la fermeté du regard ouvert à la beauté.
Le peintre Ravier est le type même d’artiste recherché par le collectionneur, comme un trésor que lui seul comprend. Ce n’est certainement pas le marché de l’art qui peut appréhender un tel artiste «hors des clous », plutôt inclassable, ou alors injustement mis dans la case des petits maîtres. Il bouleverse les classifications commodes et scolaires d’appartenance, il dérange tout le monde de l’art, il ne suscite aucune spéculation… pas de quoi faire un site ?
Alors pourquoi lui consacrer ma vie, d’abord comme une enquêtrice, puis comme tout le monde à redire et réécrire ce que j’avais déjà lu, et enfin me plonger dans la stricte source vive de ses écrits, tout en analysant le plus finement possible son œuvre. La postérité d’un artiste appartient plus ou moins heureusement à ceux lui survivent. Et la difficulté du spécialiste de cet artiste est le jugement sur l’homme, l’artiste et l’œuvre qui sont irrémédiablement finis, détachés des réalités de sa vie et même de sa mort. Je me demande parfois de quel droit je me permets de poser un jugement devant une œuvre globale et totale que je déconstruis en la triant. Mais je l’ai toujours fait avec une sincérité qui ne me fausse jamais compagnie ! Ravier veille sur moi…
J’ai tenté de vous montrer la part de génie, de don et d’audace de ce peintre véritablement inspiré. On peut en déduire que son œuvre a cerné une chose essentielle : la liberté, parce qu’elle s’affranchit des codes de l’école pour une démarche créatrice qui renouvelle en profondeur ses interprétations et enrichit les œuvres. C’est le pari de ce site, et il m’a semblé qu’un nouveau regard était devenu une nécessité, si ce n’est une entreprise de salut public.